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Triple alliance : « Une espèce de pieuvre aux multiples tentacules (...) - Barré

Triple alliance : « Une espèce de pieuvre aux multiples tentacules »

Musique & collectif

Triple alliance : « Une espèce de pieuvre aux multiples tentacules »

La grande triple alliance internationale de l’est (LGTAIE) réunit un contingent non négligeable de groupes français aussi intéressants que déviants. L’esprit déjanté du collectif a forcément attiré notre regard et nos oreilles. D’autant plus que l’alliance en question tient à ne pas trop se dévoiler. « Moins on en dit, mieux c’est », souligne Guillaume Marietta, membre actif du collectif. Nous avons tout de même tenté de percer le mystère. Retour sur la naissance de cette alliance étrange, regroupant illustrateurs, réalisateurs et musiciens.

vendredi 18 mars 2016 (Clément Goutelle)

/ Baron Dimanche

Les belles histoires commencent rarement sous un pont. Pourtant, c’est sous la rocade d’autoroute, à l’entrée de Metz, qu’est née au début des années 2000 une des ramifications de La grande triple alliance internationale de l’est (LGTAIE). Ce collectif réunit des groupes souvent froids, parfois pop, parfois punk ou plus expérimentaux, mais toujours avec un arrière-goût déjanté. AH Kraken, The Feeling of love, Scorpion violente, The Dreams ou encore Delacave et Noir Boy Georges, la liste est longue et leur notoriété va bien au-delà des frontières de l’Hexagone. Sous la bannière de La grande triple alliance internationale de l’Est on trouve également des dessinateurs et artistes à l’esthétique dérangeante et grinçante. « La triple alliance ce n’est pas forcément de la musique. Disons que c’est 80% de bière, 15% de zic et 5% du reste », précise Guillaume Marietta d’AH Kraken, The Feeling of love et de nombreux autres projets de la LGTAIE.

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Illustration destinée à une affiche de concert. / Baron Dimanche

« Une nébuleuse informelle »

Si La grande triple alliance internationale de l’est n’est pas un label, l’emblème de la croix de Lorraine à trois branches s’invite tout de même sur les disques des groupes comme une marque de fabrique. « On n’a jamais centralisé les sorties. On ne sort pas de disque avec La triple alliance. C’est une nébuleuse informelle qui regroupe plein de genres : musique, graphique, peinture… dans toutes les dimensions artistiques. C’est une manière d’aborder les choses. Même dans les projets que j’aime moins, il y a un esprit sous-ja- cent », détaille Seb Normal. Ce dernier est à l’origine des premières sorties de cette « alliance ». Tout a démarré avec une série de splits enregistrés par ses soins, sous son patronyme Phil Scrotum, il y a quinze ans, lors d’une session avec cinq groupes dont The normals, Crack und ultra eczema, Cheb Samir and the black souls of leviathan et Le sport : « On avait chopé une usine en Allemagne où on avait monté un petit studio. Sur cette session, il y avait cinq groupes mais ça ne faisait pas plus de dix personnes. On a tout enregistré avec un quatre pistes numérique, les premières petites tables accessibles. »
Le concept de La grande triple alliance internationale de l’est rappelle étrangement celui des Anglais de Psychic TV. Ce collectif lancé en 1981 sous l’impulsion de Genesis P-Orridge de Throbbing Gristle (premier citoyen britannique condamné à l’exil depuis un siècle et installé depuis aux États-Unis) a une dimension politique qu’on ne retrouve pas dans l’alliance à la française.
« Il n’y a pas vraiment de concept à la base. L’idée c’est plus ‘‘on kiffe vos groupes, vous kiffez les nôtres. On n’habite pas trop loin les uns des autres. Faisons des trucs ensemble en prenant un nom qui fasse tiquer la Corée du Nord’’. Le nom débile est venu assez vite, et le logo aussi, plus fort que le pape et de Gaulle réunis », glisse Seb, de la branche messine avec notamment AH Kraken.

Se réunir était surtout une belle occasion de sortir un peu de la loose : « Dans les bars les patrons nous regardaient comme si on était des branleurs avec l’air de dire ‘‘vous faites n’importe quoi, vous jouez trop fort’’. L’idée de se regrouper c’était pour monter un réseau pour pouvoir tourner en Europe. Aucun groupe n’avait de tourneur et n’était dans cette optique. On vient tous de l’esprit DIY (Do it Yourself), de cette scène-là. L’idée c’était de faire circuler notre musique. »

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Visuel du recto de la pochette du disque du groupe Le Chomage. / Baron Dimanche

La ramification messine : bunkers, ponts, fanzine et K7

« On organisait des concerts dans des bunkers, des bâtiments vides en ville, sous un pont... Ces lieux étaient seulement ouverts le temps des concerts. » Guillaume Marietta explique comment il s’est retrouvé à monter des soirées sous un pont, à Metz, avec ses compères du Centre de l’hygiène de l’est [1] : « On organisait des concerts sauvages dans des squats éphémères. Un truc éphémère, c’est de l’excitation. Il y a une étincelle. A chaque fois c’est un gros coup de booste. On arrive dans un lieu, on repeint, improvise un bar, on amène un groupe électrogène et c’est parti. Mais même si on n’avait pas dans l’idée de rester, on se faisait virer rapidement. L’inconvénient c’était les voisins. Ils flippaient en voyant arriver une cinquantaine de personnes d’un coup. Pour être tranquille, on a eu l’idée de faire ça sous un pont, sous l’autoroute, à l’entrée de la ville. On en a fait beaucoup aux printemps, été, automne 2005 et 2006. Il fallait être téméraire pour venir. C’était un petit parcours et ça prenait du temps. On faisait ça à l’ancienne. On distribuait juste des flyers avec le plan derrière. »
En parallèle les quatre compères d’AH Kraken bricolaient un fanzine graphique inspiré du Dernier cri nommé Do you like sushi ?, et avaient monté un label K7, Luisance sonore : « Fin 1999 début 2000, on quitte le lycée, Nafi, Guillaume, Benoît et moi, et on commence à monter pas mal de groupes, en fonction de nos envies du moment - ‘‘moi je vais faire un groupe de samba’’ - ‘‘moi je vais faire n’importe quoi avec des pédales d’effets’’- ‘‘moi je veux faire un groupe de chansons d’amour’’ - ‘‘moi aussi’’ - ‘‘moi aussi’’... A quatre on se retrouve avec une dizaine de groupes. La plupart ont disparu, certains n’ont existé que le temps d’un concert. Toujours est-il qu’on a rassemblé tout ce bordel sous la bannière Centre d’hygiène de l’est, qui tient autant du nom du lieu secret où tous les enregistrements de nos activités se faisaient, tant graphiques que musicales, que du nom de la société écran qui gérait nos revenus par le biais du Luxembourg. De tous les groupes qu’on avait, AH Kraken était le seul où nous étions réunis tous les quatre. »

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Visuel pour le groupe The Dreams. / Baron Dimanche

À cette époque, personne ou presque ne voulait faire jouer les groupes déjantés de la bande. Ils organisaient alors leurs soirées avec pour source d’inspiration le livre T.A.Z. (Zone autonome temporaire) d’Hakim Bey et la Ottweiller (une bière qui se boit de préférence chaude et éventée) : « Au début c’était bien franco-messin. On organisait ces trucs surtout pour y jouer, et on n’était pas trop au courant de ce qui se faisait ailleurs en France. Jouer en dehors de notre ville ou inviter un groupe qui habitait à plus de 200 bornes, ça nous semblait impossible. »

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A.H. Kraken / DR

« Il a fallu dix ans pour que les gens adhèrent »

Aujourd’hui exilé à Crest, pour la branche drômoise de l’alliance, Seb Normal se rappelle du bon vieux temps : « On galérait. On jouait dans les bars devant dix personnes. On sortait des 45 tours. Petit à petit, les gens ont commencé à adhérer à notre son. » Depuis AH Kraken a sorti un disque sur le label américain In the red, Feeling of love sur Born Bad records et Scorpion Violente sur Teenage Menopause Records, pour ne citer qu’eux. La grande triple alliance internationale de l’est a pris une nouvelle dimension : « Je n’ai pas l’impression qu’on ait vraiment changé notre son, on l’a juste peaufiné. Il a fallu dix ans pour que les gens adhèrent. » Le premier lien entre les équipes messine et strasbourgeoise remonte à 2000–2003, comme se remémore Guillaume Marietta... Reste à découvrir 50% de cet article.
[Découvrez l’intégralité de cet article dans le numéro 3 + 4 de Barré]

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La double-page d’introduction de la version papier de l’article sur la Triple alliance. A lire dans le Barré n°3 + 4 ! / Barré mag

Liste non exhaustive des groupes de La grande triple alliance internationale de l’Est : AH Kraken, Delacave, The Feeling of love, The Dreams, Noir Boy George, Le chômage, Le chemin de la honte, Scorpion violente, 1 400 points de suture, Plastobeton, The anals, Kania Tieffer, The normals, Funk police, Le sport, Junkie Brewster...


[1Plus d’infos sur le Centre de l’hygiène de l’est : http://lesfillesdelest.free.fr/

Clément Goutelle
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  • photos : / DR
  • The Feeling of love

    The Feeling of love

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  • A.H. Kraken

    A.H. Kraken

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  • Affiche de concert

    Affiche de concert

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  • Affiche de concert au Molodoï, à Strasbourg.

    Affiche de concert au Molodoï, à Strasbourg.

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  • Affiche de concert.

    Affiche de concert.

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  • Affiche de concert.

    Affiche de concert.

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  • Concert d'A.H. Kraken.

    Concert d’A.H. Kraken.

    photos : / Baron Dimanche

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